Un peu de contexte
Face à la surconsommation de masse introduite dans nos sociétés, l’économie circulaire se présente comme une alternative durable face aux défis liés aux changements climatiques. Le Canada, et plus particulièrement le Québec n’est pas en reste. À lui seul, le secteur de la santé au sein de la province provoque 3,5% d’émissions de GES, au sein desquelles les hôpitaux et autres immeubles du réseau représentent 17% d’émissions de GES1 .
Les déchets biomédicaux, quant à eux, représentent environ 2% du volume total des déchets municipaux, dont 85% proviennent des hôpitaux2. Pour ce qui est des déchets plastiques, ils varient selon l’établissement : c’est près d’une centaine de tonnes de déchets produits pour la Cité-de-la-Santé de Laval, vingt tonnes pour l’Hôpital Jean-Talon de Montréal, et environ quarante tonnes pour Pierre-Boucher de Longueuil3. Ces déchets comprennent notamment les EPI, les tubulures et les solutés.
C’est à travers ce contexte particulier que se pose la question de comment réduire efficacement la production de déchets dans le milieu médical. Pour ce faire, Recyc-Québec a mis en place un mandat visant à promouvoir, développer et favoriser la réduction, le réemploi, la récupération et le recyclage mettant en place le principe d’économie circulaire (EE).
Qu'est-ce que l'économie circulaire ?
L’économie circulaire vise à optimiser l’usage des ressources tout au long du cycle de vie des biens et services, en s’opposant au modèle linéaire « extraire, fabriquer, consommer, jeter ». Elle poursuit trois objectifs :
- Réduire l’exploitation des ressources naturelles
- Limiter les déchets (solides, liquides et thermiques)
- Favoriser la réutilisation continue des matières dans l’économie
C’est ce mandat que nous retrouvons au sein des 3RV-E4 .
La pyramide des 3 RV-E
Ce graphique représenté sous forme de pyramide inversée permet d’illustrer les différents principes des 3RV-E. Au sommet, on retrouve les principes à appliquer prioritairement jusqu’à sa base, où le principe d’élimination ne peut être appliqué qu’en cas de dernier recours.

Dans le cadre d’une gestion efficace des déchets, la réduction désigne « l’ensemble des mesures et des actions qui, de la conception à la distribution d’un produit, visent à réduire la diversité, la quantité et la nocivité des déchets » 5. L’objectif principal vise à se débarrasser du tout-jetable, au profit de produits à usage réutilisable.
Un exemple concret : le Centre hospitalier de St. Mary, en partenariat avec Frëtt Solutions, a remplacé les masques chirurgicaux jetables par des masques Etrëma réutilisables, lavables jusqu’à 100 fois et approuvés par Santé Canada. Cette initiative a permis de réduire les émissions de GES de 80 %, tout en éliminant progressivement 99 % du plastique lié à l’achat de masques jetables6 . Elle illustre comment une action ciblée de réduction peut à la fois protéger la santé du personnel soignant et réduire les impacts environnementaux liés aux soins.
Le réemploi constitue la deuxième action privilégiée et désigne « l’opération par laquelle on utilise une matière résiduelle ou un bien de consommation de nouveau, sans en modifier les propriétés »7.
Un exemple concret : Lancée dans les CHSLD du Témiscouata, l’initiative de remplacer les cuillères en plastique jetables par des modèles lavables a permis une réduction significative des déchets plastiques et des économies annuelles de plusieurs dizaine de milliers de dollars8.
Le recyclage constitue le troisième volet des 3RV-E. Il s’agit d’un « processus par lequel une matière résiduelle subit des transformations afin d’être utilisée comme matière première dans la fabrication d’un nouveau produit »9.
Un exemple concret : Cette pratique est appliquée actuellement au sein du CISSS du Bas-Saint-Laurent qui effectue le tri des matières recyclables. En termes de retombée, l’Hôpital de Rivière-du-Loup estime qu’environ 1500 kg de déchets sont triées et recyclés au lieu d’être enfouis10.
La valorisation constitue l’avant dernière action des 3RV-E. Elle se définit par une « opération consistant à donner une utilité aux matières résiduelles, à des coproduits ou à des sous-produits »11. En d’autres termes, lorsque c’est possible, il s’agit d’envoyer ces déchets autres qu’à la poubelle. Les façons les plus communes de valoriser un déchet sont, de le réemployer, de le récupérer, de le recycler ou encore de le composter12.
Un exemple concret : Le Centre hospitalier de St. Mary et l’Institut universitaire en santé mentale Douglas valorisent leurs surplus alimentaires en les redistribuant à des organismes communautaires grâce à un partenariat avec La Tablée des Chefs. Cette initiative a permis de détourner plus de 6 200 kg de déchets des sites d’enfouissement et de remettre plus de 20 000 portions à des personnes dans le besoin13.
Finalement, à la dernière position se trouve l’élimination. qui désigne le « traitement ultime des déchets en fin de vie, par leur stockage définitif ou leur incinération »14. Cette alternative ne doit être utilisée qu’en dernier recours si aucune des solutions susmentionnées n’est disponible car cette pratique rejette de nombreuses émissions de GES.
Un exemple concret : En 2021, 84 % des EPI recyclés (672 tonnes) ont été traités au Québec, principalement pour leurs composantes en plastique et en métal, tandis que 14 % ont été orientés vers la valorisation énergétique hors Québec15.

Qu'est-ce que la valorisation énergétique ?
La valorisation énergétique (VE) consiste à incinérer les déchets non recyclables pour produire chaleur ou électricité, réduisant temporairement l’usage des énergies fossiles. Toutefois, en s’appuyant sur la combustion, la VE reste ancrée dans une logique linéaire et génère des GES, ce qui limite sa durabilité. Elle doit donc être considérée comme une solution de dernier recours, après la réduction, la réutilisation et le recyclage.
Vers une société durable, au-delà du tout jetable
En s’appuyant sur les principes des 3RV-E, ces initiatives renforcent la lutte collective contre les GES et les changements climatiques au Québec. Elles contribuent aussi à protéger la santé publique en favorisant une transition vers une société plus durable.
Références :
- Dunsky Energy Consulting. (2023). Décarbonation du secteur de la santé : diagnostic, trajectoire et stratégies. https://aspq.org/app/uploads/2023/11/dunsky_decarbonation-sante_rapport_21-novembre-2023.pdf
- Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. (2024, 1er décembre). Les déchets biomédicaux: le règlement en bref. Gouvernement du Québec. https://www.environnement.gouv.qc.ca/matieres/biomedicaux/index.htm
- Jean-Philippe Robillard. (2018, 9 mai). Des tonnes de plastiques à la poubelle. Radio Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1095353/plastiques-medicaux-poubelles-recyclage-hopitaux
- Ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. (2022, 7 juillet). L’économie circulaire. Gouvernement du Québec. https://www.economie.gouv.qc.ca/bibliotheques/en-entreprise/leconomie-circulaire
- Commission d’enrichissement de la langue française. (2009). Définition de la réduction des déchets. Gouvernement du Québec. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26538876/reduction-des-dechets
- PhareClimat Santé. (2025). Des masques réutilisables pour un bloc opératoire durable. https://phareclimat.ca/initiatives/des-masques-reutilisables-pour-un-bloc-operatoire-durable/
- Office québécois de la langue française. (2023). Définition du réemploi. Gouvernement du Québec. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26519855/reemploi
- PhareClimat Santé. (2025). Des cuillères lavables pour les médicaments au sein du CHSLD de Sainte-Pacôme. https://phareclimat.ca/initiatives/des-cuilleres-lavables-pour-les-medicaments-au-sein-du-chsld-de-sainte-pacome/
- Office québécois de la langue française. (2022). Définition du recyclage. Gouvernement du Québec. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8367921/recyclage
- PhareClimat Santé. (2024). Tri des matières compostables. https://phareclimat.ca/initiatives/tri-des-matieres-compostables/
- Office québécois de la langue française. (2023). Définition de la valorisation. Gouvernement du Québec. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8869075/valorisation
- Recyc-Québec. (2025). Les 3RV sous la loupe. Recyc-Québec. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/citoyens/mieux-consommer/zone-jeunesse/3rv
- PhareClimat Santé. (2023). Récupération alimentaire dans les cafétarias. https://phareclimat.ca/initiatives/recuperation-alimentaire-dans-les-cafeterias/
- Office québécois de la langue française. (2012). Définition de l’élimination. Gouvernement du Québec. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8364589/elimination
- Recyc-Québec. (2021). Les autres filières de récupération des matières. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr-2021-autres-filieres.pdf
- Office québécois de la langue française. (2021). Définition de la valorisation énergétique. Gouvernement du Québec. https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/18955450/valorisation-energetique